Banlieues Bleues (France)

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L’élection présidentielle française, dont le second tour aura lieu le 7 mai, remplit en ce moment les esprits et les média. Comme dans d’autres démocraties occidentales, on demande aux gens de choisir entre des visions du présent et de l’avenir qui sont profondément polarisantes. En me rendant chez Banlieues Bleues à Pantin, je vois des affiches et des slogans politiques sur les murs. Cette ville multiculturelle représente une parmi plusieurs images  de la France qui se trouvent instrumentalisées par la rhétorique politique qui m’entoure depuis trop longtemps. Mais on ne doit pas réduire les gens à des symboles.

Slogans - 1

À La Dynamo, des lycéens de trois villes voisines partagent pizzas et oranges avant le spectacle. Il y a parmi eux des jeunes musiciens accomplis et d’autres qui n’ont jamais joué en public auparavant. C’est grâce aux actions musicales de Banlieues Bleues qu’ils ont pu travailler avec des musiciens professionnels, et ce soir ils sont sur le point de se produire dans une salle de concert où beaucoup d’entre-eux ne sont jamais venus.

Banlieues Bleues - 3

Le budget est serré et les musiciens n’ont pas eu beaucoup de temps pour préparer la soirée: cinq ou six séances de deux heures, sur quelques semaines. On ne l’aurait pas deviné d’après la musique riche et variée que j’écoute pendant l’heure et demie qui suit. Le concert est ouvert par les seuls étudiants qui fréquentent une classe de musique, au Lycée Mozart du Blanc-Mesnil. Avec Mehdi Chaïb, ils réalisent des morceaux provenant du Maroc, de l’Algérie et de la Palestine, dont l’un date du 12ème siècle. Clarinette, trompette et saxophone se faufilent entre les rythmes arabes complexes des darboukas que les étudiants jouent pour la première fois.

Ensuite il y a un rap court mais puissant par des étudiants du lycée Henri Wallon d’Aubervilliers. Ils sont sans formation musicale, et la conviction de leur travail ce soir est un hommage au soutien qu’ils ont reçu du rappeur Rocé et de DJ Stresh. Leur fierté à la fin est émouvante. Ils ont vraiment réussi quelque chose d’important ce soir.

Le reste de la soirée est l’œuvre d’un groupe d’élèves du Lycée Paul Eluard, qui jouent le soul américain déjà depuis plusieurs années. Guidés par le bassiste Sylvain Daniel, ils offrent un programme étonnant et intensément ressenti, allant du gospel a capella à Stevie Wonder et au R&B contemporain. Comme chez chacun des groupes précédents, la passion des jeunes artistes pour cette musique est absolument convaincante: le public est ébloui, et les applaudissements sont tonnants.

En rentrant à l’hôtel, j’ai le cœur rempli non seulement de la musique que j’ai entendue mais aussi par le bonheur dont j’ai été témoin. Un des enseignants du lycée m’a dit: «Ce qui importe, à leur âge, c’est le plaisir de jouer ensemble». Il a raison. C’est une soirée de participation joyeuse, une fête de la musique et de la créativité des jeunes de Seine-Saint-Denis dans leur diversité quotidienne. Pas d’énoncés, pas de slogans, pas de symboles. Aucune simplification. Rien que des jeunes motivés par des valeurs communes et un amour de la musique, et dont le travail en groupe fait le profit de toute une collectivité.

Students at La Dynamo

The French presidential election, which culminates in a run-off vote on 7 May, is inescapable right now. As in other Western democracies, people are being asked to choose between deeply polarising visions of the present and the future. On my way to see a community music project in Pantin, just outside Paris, I pass political posters and slogans spray-painted onto walls. The multicultural community I’m walking through is one of several simplified images of France that have been instrumentalised in political rhetoric during the election. But people are not symbols.

Slogans - 1

At La Dynamo, where Banlieues Bleues is based, young people are sharing pizza and oranges before the show. They’re from three schools in Seine-Saint-Denis. While some are accomplished young musicians, others have never played or performed before. Through Banlieues Bleues they’ve met and worked with professional musicians for the first time and tonight they’re about to perform in a public venue.

Banlieues Bleues - 3

The budget is tight and the musicians have not had long: just five or six two hour sessions. You’d never know it from the  beautiful, varied music I hear in the next ninety minutes. The concert begins with the only students who attend a regular class, at the Lycée Henri Wallon. With Medhi Chaïb, they perform pieces from Morocco, Algeria and Palestine, one of which dates from the 12th century. Clarinet, trumpet and saxophone twine around complex Arabic rhythms performed on darbouka drums that none of the students had previously used.

They’re followed by a short but powerful rap by students from the Lycée Mozart. They’ve not performed music before and the conviction of their work is a tribute to the support they’ve had from the rapper Rocé and DJ Stresh. Their pride as they take their bow is oddly humbling: they’ve really achieved something for themselves on this stage tonight.

The longest set is by pupils at Lycée Paul Eluard, who’ve been working on American soul for several years outside school time. Guided by the bassist Sylvain Daniel, they go through a stunning and intensely felt programme, ranging from acapella gospel through Stevie Wonder to contemporary R&B. As in each of the previous groups, the young performers’ commitment to the music is compelling: they hold the audience in thrall, and the applause is thunderous.

Later, I walk back to my hotel, my heart lifted by the music I’ve heard and the happiness I’ve seen. Something one of the lycée teachers said to me is running through my mind: ‘What matters, at their age, is the pleasure of playing together’. It’s been a joyous evening, a celebration of music and youthful creativity in their everyday diversity. No statements, no slogans, no symbols. No simplifications. Just people enacting shared values and so making their small corner of the world a better place to live.